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miny ; écrivez au docte Duchemin ; c’est une de ses vanités et de ses glorioles de se croire le protecteur des lettres, et il tiendra à honneur de vous le prouver, tandis qu’Albert de Lincel affecterait peut-être un dédain qui vous blesserait.

— Vous êtes dans l’erreur, dit René Delmart, qui nous avait écoutés en silence, Albert est resté bon et cordial ; et, se tournant vers moi, il ajouta : Je vous réponds de lui, marquise.

— Il vous fait donc l’honneur de vous voir encore, quoique vous soyez poëte, mon cher René, poursuivit de Germiny.

— Je vais chez lui quand je le sais malade et triste, et il me reçoit toujours comme un ami.

— Eh ! pourquoi donc nous a-t-il fui, reprit de Germiny, nous tous qui l’aimions comme un jeune frère glorieux à qui nous décernions sans jalousie toutes les palmes ? N’avons-nous pas été, dès qu’il est apparu, ses bons et loyaux compagnons ? N’avons-nous pas acclamé son génie avec une ardeur cordiale ? N’a-t-il pas été l’enfant gâté de notre admiration sincère ? Eh bien ! il nous a quittés tout à coup comme s’il rougissait d’être l’un des nôtres ; il a affecté à l’endroit des poëtes contemporains une sorte de dédain aristocratique que Byron n’a jamais eu pour Wordsworth et Shelley.

— Vous vous trompez, s’écria l’excellent René, il a rendu un hommage public à Lamartine, et quand il parle du grand lyrique exilé, il le proclame notre maître à tous pour la science du vers.