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deur de l’atmosphère et de la tragédie. Mes épaules et mon sein se détachaient à travers le clair tissu, et mes bras étaient presque à découvert. Je portais un chapeau de paille de riz très-léger, orné d’une tige de magnolias roses. Albert me complimenta de l’élégance de ma toilette, et bientôt son regard s’arrêta avec une fixité gênante sur le corsage de ma robe. J’essayai de distraire son attention en lui parlant de l’acteur qui allait jouer Œdipe.

— Quel courage, lui dis-je, il faut à un comédien pour débiter un pareil rôle !

— Encore si Jocaste avait vos bras, me répondit-il en se rapprochant de moi.

— Mais vous froissez ma robe, répliquai-je, et je tiens à ce que votre vieil ami me trouve charmante.

— Ne prenez donc pas ce ton de coquette du monde, vous comprenez bien, reprit-il, que vous me troublez.

La voiture arrivait en ce moment à la porte du théâtre, et je fus délivrée de l’inquiétude de ce qui pourrait suivre.

La toile venait de se lever quand nous entrâmes dans la loge où nous attendait le vieil amateur de tragédies ; il nous fit un : Chut ! impératif, en appuyant l’index sur sa lèvre supérieure.

— Chutez plutôt la pièce, dit Albert en éclatant de rire ; et, au grand scandale de tous les admirateurs de la poésie de Voltaire qui étaient là, il se mit à parodier chaque vers d’une manière si plaisante, qu’à mon tour