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Il se leva tout à coup et me dit en prenant ma main :

— Ne prolongeons pas ce supplice ! Adieu donc, puisque vous ne pouvez m’aimer ! Ce matin je voulais réédifier ma vie ; vous venez d’y porter de nouveau la sape et la hache ; et maintenant vogue la galère démantelée ! nous ne pouvons plus rien l’un pour l’autre.

Il allait sortir.

— Oh ! non, lui dis-je en joignant les mains comme en prière, je vous en conjure, restons amis. Ne m’en voulez pas de l’aimer, il a été le seul grand amour de ma vie comme fut pour vous Antonia. Ne me punissez pas d’avoir été sincère ; ne m’abandonnez pas dans mon chagrin, ne me laissez pas seule avec le doute affreux que je ne suis pas aimée !

— Puisque ce n’est point par moi que vous voulez l’être, répliqua-t-il, que me demandez-vous ? Nous voir pour nous faire souffrir à chaque heure serait insensé et funèbre ; quittons-nous sur un songe qui fut beau, je ne vous verrai plus, mais je garderai votre souvenir tant que mon cœur battra.

— Non, non, m’écriai-je, je ne veux pas vous perdre ; promettez-moi que vous reviendrez.

— Je ne reviendrai qu’à votre appel, car je vais retomber dans une fange où les étoiles ne se reflètent pas.

Il sortit, et en entendant ma porte retomber sur lui avec un bruit sec, il me sembla qu’une barrière infranchissable nous séparait désormais.