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trois de nos grands poëtes et plusieurs écrivains célèbres. Je leur dis, en riant, que j’étais un peu des leurs, que la mauvaise fortune me forçait d’écrire, et que, encouragée par le résultat de mes premières traductions, je leur demanderais désormais leur appui auprès des éditeurs. Ils me répondirent tour à tour, ce qui était vrai, que, par un malheureux hasard, ils étaient brouillés avec le libraire en vogue qui publiait les romans étrangers.

— Mais, j’y pense, ajouta tout à coup René Delmart, un des trois poëtes, nous avons des amis qui ont fait la fortune de Frémont, l’autocrate de la librairie, et qui peuvent beaucoup sur sa lourde cervelle ; ils seront, marquise, très-empressés de parler à cet éditeur pour vous.

— Toujours bon, dis-je à René, que j’aimais depuis dix ans comme un frère. Eh bien ! voyons, à qui allez-vous me recommander ?

— Je verrai demain Albert de Lincel, et je suis certain qu’il se mettra à votre disposition.

— Albert de Lincel ! m’écriai-je, me souvenant que je ne l’avais jamais revu depuis la soirée de l’Arsenal.

— Albert de Lincel ! répétèrent à l’unisson de l’étonnement tous les assistants.

— Y songez-vous, ajouta Albert de Germiny, le poëte philosophique, ce fou d’Albert de Lincel va devenir amoureux de la marquise et nous supplanter dans son cœur, nous qui n’obtenons que son amitié.

— En vérité, repris-je en riant, vous pourriez bien