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avant de partir il me pressa vivement sur son cœur en me disant :

— À demain, chère Stéphanie ; maintenant que nous nous aimons, la vie sera belle !

Ces derniers mots me rappelèrent à moi-même, à l’aveu complet que je lui devais aussi et durant mon sommeil agité par le choc de tant d’émotions, je crus entendre la voix de Léonce qui me criait : « Vas-tu donc l’aimer ? »

xxi

Je ne m’endormis qu’au jour, et à l’heure habituelle du lever de mon fils, je fus éveillée de mon court et pénible sommeil par Marguerite qui entra dans ma chambre. Je secouai mon malaise et je me mis aussitôt à écrire à Léonce, ne voulant pas attendre le soir pour lui faire le récit de la confidence d’Albert. C’est ainsi que du vivant même du grand poëte, cédant à l’entraînement d’un amour aveugle, j’avais déposé le secret de cette douloureuse histoire dans un autre cœur. Mais ce cœur ne contient plus désormais que des cendres sèches, plus froides que la poussière des cercueils ; je ne l’appellerai donc pas en témoignage de la vérité. Pour tous ceux qui ont vécu de la double vie du cœur et de l’esprit, cette vérité palpite assez dans l’ensemble et dans les détails de ce que je viens de dire.