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Son visage était livide, et ses yeux paraissaient creux et profonds comme les orbites vides du crâne qu’elle me présentait. Elle ne me parlait pas, mais elle se rapprochait de moi en marchant sur ses genoux, et bientôt elle me toucha avec sa sinistre offrande. J’eus un mouvement d’horreur qui fit rouler à mes pieds la tête de mort. Aussitôt j’en vis jaillir une épaisse chevelure noire, comme si ce débris de la tombe avait gardé cette parure de la vie. Je regardai Antonia, et je m’aperçus que son front pâle était dépouillé de ses beaux cheveux.

— Quel acte de démence ! m’écriai-je.

— Je ne suis qu’une indigne pécheresse qui n’espère plus ton amour, me dit-elle, et j’ai voulu te sacrifier ce qui te plaisait le plus en moi lorsque tu m’aimais.

— Allez-vous, continuai-je brutalement, mettre en action les héroïnes de vos livres ? vous vêtir de blanc comme une abbesse et vous enfermer dans quelque cloître d’Italie[1] ?

— Oh ! murmura-t-elle, tu es bien dur de railler ainsi mon repentir.

— Je n’aime pas, poursuivis-je, ces comédies religieuses, et je crois que le remords n’a que faire de ces parades. Demain, quand vous voudrez plaire encore.

  1. Dans presque tous les romans écrits à cette époque l’amour des héroïnes se dénouait dans un cloître.