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— Ne me demande pas pardon pour tes impuretés, lui dis-je, car je suis encore plus impur que toi ! je te donne les restes de la débauche ; tu retrouves un cœur flétri que la douleur a corrompu ; blessé par toi, il te fera souffrir de sa blessure ; désormais notre amour, amer comme la haine, ne sera plus qu’un défi des sens à la conscience ; tu deviens courtisane en te jetant dans mes bras, et je ne suis plus qu’un débauché sans cœur en te rendant tes embrassements !

— Qu’importe, me dit-elle en délire, et elle souscrivit à cette ivresse souillée. Tous les souvenirs sacrés de notre amour si beau se confondirent alors aux âcres sensations d’une passion dégradée.

Ô mystère impénétrable de l’union des êtres ! malgré les paroles cruelles que je venais de prononcer, je sentis se fondre dans ses bras tout ce qu’il y avait de ressentiment dans mon cœur. Je redevins tendre et affectueux, et mes yeux mouillés de larmes la regardaient avec reconnaissance.

Elle me devina :

— Vois-tu que j’ai bien fait de venir, me dit-elle.

— Oh ! oui, murmurai-je en cachant ma tête dans son sein, je t’aime toujours.

Le lendemain, j’avais repris chez elle ma place d’autrefois. Les premiers jours furent presque du bonheur : retranchés du monde, j’oubliais tout ce qui n’était pas elle, et en elle je ne voyais et ne retrouvais que ce qui m’avait rendu heureux. Sa nature douce et calme refaisait la paix dans mon cœur, son intelligence en toutes