— Pour vous, cher Albert ? Ce sera la première, et elle est d’avance accordée.
— Je veux faire la campagne d’Afrique avec vous.
— Comme historiographe ?
— Non, comme soldat…
Son beau visage exprima la plus joviale gaieté.
— Oh ! je devine, dit-il, un désespoir amoureux ?
— Qu’importe, monseigneur, consentez-vous, répliquai-je sérieusement.
— Non, je retire ma promesse, je refuse. La France, mon cher Albert, a des milliers de braves soldats, mais elle n’a pas trois poëtes comme vous, ajouta-t-il en m’embrassant ; je vous garde donc à la gloire poétique de la France, qui m’est aussi précieuse que sa gloire militaire.
Ceux qui l’ont connu savent avec quelle grâce il disait ces mots-là.
Quinze jours s’étaient écoulés depuis le renvoi de Tiberio à Venise, lorsqu’un soir, comme je me disposais à sortir, j’eus la visite de Sainte-Rive ; il venait de dîner dans mon voisinage et il avait voulu me complimenter sur mon dernier livre :
— Savez-vous qui m’a accompagné jusqu’à votre porte, dit-il ?
— Qui donc ?
— Antonia que j’ai trouvée flânant sur le quai.
— Eh quoi ! j’aurais pu aussi la rencontrer ? répliquai-je involontairement.
— Sans doute, et elle en eût été heureuse, car elle