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iii


Bien des années s’étaient écoulées depuis cette soirée à l’Arsenal ; j’avais perdu mon mari et un procès désastreux m’enleva momentanément toute ma fortune ; cet hôtel où j’étais née, où mon grand-père et ma mère avaient vécu, fut mis en vente et, en attendant qu’il trouvât un acquéreur, il fut loué tout meublé à une riche famille ; me confiant dans un pressentiment qui ne m’a point trompée et qui me disait que cet hôtel redeviendrait un jour ma propriété, je ne voulus pas le quitter ; je fis louer, pour m’y installer, un petit appartement disposé au quatrième auquel on arrivait par un escalier de service. Des cinq pièces qui le composaient, deux avaient servi autrefois de cabinet d’étude et de laboratoire à mon grand-père, qui y avait fait, avec le grand Lavoisier, des expériences de chimie. Les fenêtres de mon humble logement s’ouvraient sur ce jardin où j’avais joué enfant ; levez la tête et vous les verrez là-haut souriantes sous les toits. La cime des arbres qui nous abritent les effleurent de leurs branches.

Je m’entourai là de quelques chères reliques, de quelques meubles et de quelques portraits de famille qui avaient échappé à l’inventaire ; je gardai pour me servir une ancienne fille de cuisine, bonne et vieille