— Eh bien, Antonia est de retour, et Frémont trouve plaisant de vous faire dîner ensemble.
— Elle est ici ! depuis quand ? L’avez-vous vue ? où habite-t-elle ?
— Elle habite la même maison où vous l’avez connue ; elle est arrivée il y a trois jours avec Tiberio, et je les ai rencontrés hier dans le jardin des Tuileries. Chaque parole de la réponse de René me faisait l’effet des pointes de fer d’une discipline.
Elle l’aimait donc bien pour l’amener ainsi en triomphateur, dans la ville où je vivais !
— Je n’irai pas chez Frémont, dis-je simplement à René ; puis je m’efforçai de cacher mon agitation en lui récitant de fort belles strophes de Léopardi que je venais de lire.
Lorsque je fus seul, je m’abandonnai à la vérité de mon émotion : elle tenait de la rage et de la honte. L’idée de les revoir ensemble m’épouvantait ; pour éviter même la possibilité et l’humiliation d’une rencontre, je résolus de m’enfermer chez moi et de travailler. Je mis dès le jour même ce projet à exécution, et le lendemain matin j’avais déjà écrit plusieurs pages d’un roman sur l’Italie, quand je vis paraître Frémont.
— Vous arrivez à propos, mon cher éditeur, lui dis-je ; car je vous taille de la copie.
— J’en suis enchanté, répliqua-t-il, et je vous pardonne si c’est l’inspiration qui vous a empêché hier de venir dîner chez moi.