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sique ! Pourquoi n’est-elle plus là celle qui doublait mes émotions ?

Un soir où j’avais erré longtemps sur les quais, en sortant d’un bal à l’ambassade d’Espagne, me rappelant à la même place mes promenades nocturnes avec Antonia, je trouvai en rentrant chez moi une lettre de mon éditeur qui m’engageait à dîner pour le lendemain ; il devait avoir, me disait-il, une piquante réunion de célébrités en tous genres parmi lesquelles je rencontrerais à coup sûr une curiosité inattendue.

Je fis peu d’attention à cette lettre, laissant à mon caprice du lendemain le soin d’accepter ou de refuser l’invitation.

À mon réveil j’eus la visite de René, qui venait ainsi quelquefois me surprendre le matin pour me dire des vers ou me demander de lui en lire,

— Dînez-vous ce soir avec moi chez Frémont ? lui dis-je.

— Non, répliqua-t-il, et vous devriez ne pas y aller ; il ne faut pas trop gâter ces impresari de notre esprit qui finissent par se croire nos collaborateurs.

— Je le lui permets pour ce qui me concerne, repartis-je en riant, et comme il me fait espérer pour ce soir quelque distraction j’accepte son dîner.

— Il vous prépare une surprise qui sera peut-être une douleur, reprit René, et voilà pourquoi je vous engage à refuser.

— Expliquez-vous, René.