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vaient pas sur moi ; il y avait dans sa physionomie quelque chose de si pensif et de si absorbé qu’on devinait que son âme était ailleurs.

Je fis un grand effort pour parler et je parvins à lui dire :

— Oh ! chère bien-aimée, je ne souffre plus.

Elle se leva, me fit avaler quelques cuillerées d’un cordial, puis posant ses doigts sur mes lèvres, elle m’interdit de parler. Je voulus faire un mouvement pour me soulever et l’embrasser, mais je retombai sans force sur mes oreillers. Pourquoi ne se courba-t-elle pas vers moi ?

En ce moment, la porte de la chambre s’ouvrit et un jeune homme entra. Je reconnus le docteur qui m’avait saigné ; deux changements s’étaient opérés en lui : sa mise était plus recherchée et l’expression de son visage me parut plus sérieuse. Je percevais tout cela avec lucidité, quoique pour ainsi dire matériellement car ma pensée était encore indécise et sans réflexion comme celle d’un enfant.

Antonia me dit :

— Voilà le docteur Tiberio Piacentini qui vous a sauvé.

Ce nom terrible de Tibère me fit sourire, car on lisait sur les traits du docteur la douceur et l’aménité.

Il me tâta le pouls, déclara que j’étais en voie de convalescence, mais qu’il ne fallait pas faire d’imprudence.

— Vous entendez, me dit Antonia, en me recommandant de nouveau le silence.