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me tâta le pouls de sa main un peu forte. Antonia l’interrogeait d’un regard anxieux.

— La fièvre persiste, dit-il en hochant la tête, la nuit peut être mauvaise, ne le quittez pas.

Il prescrivit je ne sais quelle potion, puis sortit en promettant de revenir le lendemain matin.

Antonia s’assit au pied de mon lit, je la voyais pâle dans sa robe de chambre de velours noir ; de temps en temps elle se levait et me faisait boire en me soutenant la tête. Bientôt il me sembla que tout tournait autour de moi et que la veilleuse s’éteignait ; un cercle de feu serrait de nouveau mon crâne ; je ne voyais plus ; je n’entendais plus et je finis par ne plus comprendre où je me trouvais. J’eus toute la nuit un délire effrayant que suivit une fièvre sans trêve. Je n’avais plus conscience de moi-même et je fus durant huit jours en danger de mort.

C’est par une froide matinée, sombre comme nos plus tristes jours d’automne parisien, que je recouvrai la sensation de la vie. J’entendis siffler le vent dans les corridors du vieux palais que nous habitions, et il me semblait que les vagues lointaines de l’Adriatique battaient les murs avec furie et montaient jusqu’à ma fenêtre ; c’était l’effet de la rafale qui s’engouffrait bruyamment dans le Grand Canal.

Quand j’ouvris les yeux, je vis Antonia au pied de mon lit assise sur un fauteuil ; elle cousait un gilet de flanelle qui m’était destiné : je suivais le mouvement de ses mains charmantes et de ses yeux qui ne se le-