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— Je crois bien que tu m’as été infidèle ? Mais que m’importe ! Tu es jeune, beau, inspiré et je t’aime.

Quand elle parlait ainsi, j’étais prêt à la briser dans mes bras et à m’écrier :

— Non, tu ne m’aimes pas ; tu es froide de nature et passionnée à tes heures sans te soucier de ce que tu m’as fait souffrir. Mais je la regardais : son calme et beau visage me désarmait et je me disais : Elle est généreuse et grande ; elle vaut mieux que toi. Alors j’étais tenté de me jeter à ses pieds et de tout lui avouer ; au premier mot elle m’arrêtait.

— Tais-toi, tais-toi, je ne veux rien savoir, me disait-elle, ou plutôt je sais tout. Tu es trop faible pour t’abstenir, trop faible pour attendre, trop faible pour aimer.

Qu’elle eût mieux fait d’être jalouse, emportée, d’éclater en reproches comme une femme italienne ou grecque ! Nous nous serions querellés, puis réconciliés, puis aimés plus passionnément ; mais ses paroles sententieuses, sa prétendue supériorité en amour, me rappelaient involontairement à toute heure combien nous différions.


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Ces alternatives de joie et de peine, de passion et de travail, de veilles excessives et de courtes immodérées, de désirs contenus et de transports subits ; cette vie sans