Une autre idée me vint. Elle aussi, pensais-je, a voulu se distraire, et je fus pris d’une jalousie subite. Je me disposais à m’habiller, à sortir, à courir après elle, quand je l’entendis monter l’escalier en chantant.
— Je viens de faire l’écolier en vacances, me dit-elle ; j’étais avide de liberté, d’air, d’excursion en pleine mer, et comme tu dormais je suis allée seule.
— Ne veux-tu pas que nous ressortions ensemble ? lui dis-je.
— Oh ! de grand cœur, fit-elle avec enjouement ; maintenant que me voilà débarrassée de mon fardeau, je suis femme à te lasser par mes fantaisies.
— Eh bien ! que désires-tu ?
— Allons souper au Lido.
— Oui, allons ! j’y sais un cabaret dont l’hôtelier a connu Byron.
Nous montâmes en gondole, et, quoique la nuit fût froide et sombre, nous accomplîmes notre dessein. Nous trouvâmes le cabaretier endormi, l’espoir du gain le fit se lever en hâte. Il nous servit du jambon, une omelette et de son fameux vin de Samos. Nous soupâmes gaiement comme aux premiers temps de nos amours ; je songeai à notre chambre chez le garde-chasse de Fontainebleau, à nos meilleures heures de Gênes, à nos premiers jours d’arrivée à Venise. La mer battait la plage, le vent soufflait à travers la fenêtre disjointe de la chambre enfumée où nous nous abritions.
— Si nous couchions ici, lui dis-je.