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— Oh ! combien je vais t’aimer ! lui dis-]e en lui tendant convulsivement les bras.

Elle me regarda avec étonnement : ses yeux me firent l’effet de deux lames froides qui m’auraient traversé le cœur, et, comme si c’était le sang qui s’en échappait mes larmes inondèrent mon visage.

— Qu’as-tu donc à pleurer ? me dit-elle ; il faut absolument que tu ailles dormir, car tes nerfs sont malades.

Je la regardai avec amour : je la trouvai belle, fraîche et sereine ; j’aurais voulu qu’elle me berçât sur son cœur.

Elle reprit son ton d’affection maternelle, m’empêcha de boire du café, me reconduisit dans ma chambre, ferma les rideaux de la fenêtre et m’obligea de me mettre au lit. Je me laissai faire comme un enfant ; mes larmes m’avaient calmé et je tombais de lassitude. Quand elle vit mes yeux s’appesantir, elle s’éloigna sur la pointe des pieds. Je dormis bientôt d’un lourd sommeil plein de cauchemars ; je ne m’éveillai qu’à la nuit. J’appelai ; Antonia ne me répondit pas. La servante vint m’avertir que madame était sortie pour se promener ; elle n’avait pas voulu m’éveiller. Je sentis d’abord comme une grande terreur : m’aurait-elle quitté ? serait-elle partie ? Je courus dans sa chambre et je fus rassuré en y trouvant tout ce qui lui appartenait : son manuscrit, dont elle venait d’écrire les dernières pages, était ouvert sur sa table ; une lettre à son éditeur était placée à côté.