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— Pas ici, me dit Zéphira, mais dans un boudoir mystérieux, où personne ne nous suivra ; et, prenant ma main, elle me conduisit vers une porte s’ouvrant sur un escalier qui menait à une terrasse. La bouffée d’air froid qui monta vers nous dissipa mon ivresse ; je reconnus Zéphira.

— Mais le comte Luigi est le maître de céans, lui dis-je, il connaît tous les détours du palais, il peut nous découvrir.

Elle me répondit en éclatant de rire :

— Le comte Luigi est, à l’heure qu’il est, conduit en prison pour avoir revêtu dans un bal un habit de moine. Nous aurons donc, carissimo, quinze jours de liberté et de plaisir ; et elle s’efforçait de me faire descendre.

Je fus pris de je ne sais quel dégoût invincible, je la poussai sur les marches de l’escalier, et je rejetai sur elle la porte qui se refermait du côté de la serre. Je tournai la clef à double tour sans souci de ses cris qui se perdirent dans le bruit de l’orchestre. Comme je passais de la serre dans un cabinet moresque, représentant une des chambres de l’Alhambra, je vis là debout sur un grand coussin rond qui lui servait de piédestal ma Vénus de Pâris Bordone, qui me tendait amoureusement ses bras.

— Viens ! viens ! me disait-elle ; ses yeux magnétiques m’attiraient, son souffle courait sur mon visage. Merci, murmura-t-elle plus bas, de l’avoir quittée ; viens ! viens ! c’est moi qui te veux ! Je me sentis presser sur son cœur qui battait comme une vague ; elle