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— Voulez-vous, beau chevalier de Malte, donner le bras à madame, et passer dans la galerie où le souper est servi.

— De tout mon cœur, répondis-je, et je suivis le comte en tenant à mon bras la pauvre Négra éperdue de bonheur.

À la porte de la galerie où nous conduisait le comte Luigi, nous trouvâmes Zéphira ; elle avait quitté son masque et rejeté son voile de nonne ; une couronne de bacchante, en pampre et raisin d’or, avait remplacé la couronne de roses blanches. Sa robe flottante, en s’entr’ouvrant, laissait voir un fantastique costume d’Érigone qui se composait d’une courte tunique en peau de tigre serrée aux flancs par une haute ceinture d’or damasquiné ; la gorge nue était voilée d’un bizarre et volumineux collier composé de petits thyrses d’or.

En m’apercevant avec Négra, elle bondit vers moi :

— Oh ! vous l’avez donc suivie et retrouvée, cette dame mystérieuse, s’écria-t-elle ; puis saisissant le bras de Négra, elle ajouta :

— Apprenez, ma charmante, qu’on ne s’assied point à table sans quitter son masque, et déjà sa main touchait le visage de la tremblante Africaine.

— Arrière ! dis-je à Zéphira avec colère.

Mais l’humble Négra, s’inclinant devant celle qu’elle appelait sa maîtresse, quitta son masque et lui dit d’une voix douce :

— C’est moi, madame, votre servante soumise.