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domino qui les enveloppait, et soulevèrent leur masque pour se faire reconnaître ; les femmes surtout se plaisaient à montrer leurs splendides ou gracieux costumes, et ce fut bientôt un coup d’œil magique que celui de ce palais monumental, fourmillant des habits de tous les temps. Les figures des fresques des grands maîtres semblaient attentives ; on eût dit qu’elles regardaient passer la fête. C’était un défilé de juifs couverts de dalmatiques ; des Grecs et des Turcs resplendissants de broderies et de cachemires ; puis venaient d’anciens Romains, des bohémiens, des Hindous, des chevaliers du moyen âge, armés de toutes pièces, des marquis poudrés et des marquises Pompadour, des Mexicaines en tuniques de plumes, des déesses de l’Olympe, des Tyroliennes, des arlequins, des pulcinelle ; tous les costumes permis revêtus à l’envi dans leur innombrable diversité. Je dis permis, car la police autrichienne défendait expressément de porter aucun déguisement religieux. Aussi fûmes-nous très-surpris de voir le comte Luigi, qui avait quitté son masque pour nous recevoir, couvert d’une robe de camaldule.

— Ce travestissement pourrait bien vous coûter quinze jours de prison, lui dit le consul français venu un moment pour voir la fête.

C’est une fantaisie de cette folle de Zéphira, répliqua le comte, elle prétend qu’elle a obtenu la permission de la police et que nous ne courons aucun risque ; tenez la voilà qui vient à nous, habillée en religieuse.

En effet, la danseuse s’approchait vêtue d’une robe