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grande corbeille d’osier pleine des plus belles fleurs. La galerie en fut embaumée. Stella, de sa main d’artiste, groupa en bouquets et tressa en couronne les roses, les œillets, les jasmins d’Espagne, les myrtes et les fleurs de grenades.

Je devinais son dessein et je souriais de sa bonté.

— Vous voulez donc rendre cette enfant folle de joie ? lui dis-je.

— Songez, répliqua-t-elle, que ce sera peut-être l’unique fête de sa vie. Demain on peut la siffler ; il faut donc que ses amis lui donnent un grand bonheur ce soir, dont le souvenir la soutiendra plus tard.

Quand elle eut fini son travail embaumé, Stella nous quitta quelques minutes pour faire sa toilette. Elle portait presque toujours des robes flottantes qui seyaient à ravir à sa taille de statue grecque. Ce jour-là, elle mit une robe de mousseline des Indes, assujettie aux épaules par des camées antiques. Trois cercles d’or resserraient vers la nuque, comme des bandelettes, les tresses et les boucles de ses cheveux noirs. Son amant la regardait radieux ; et moi, calme mais charmé en face de cette belle créature si parfaite, je me disais :

— C’est une muse qui s’ignore, une intelligence qui se manifeste sans orgueil ; inspirée et superbe avec tranquillité.

La gondole qui nous conduisit au théâtre emporta la cargaison de fleurs destinée à la petite Africaine.

Nous trouvâmes Zéphira déjà installée dans la loge de la prima donna. Elle était si éblouissante de joyaux,