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Lorsqu’elle me vit reprendre la plume et continuer à écrire, elle s’approcha de moi :

— Voyons, mon cher Albert, ne voulez-vous pas permettre que je vous parle comme une sœur ?

— Hier vous étiez ma mère, répondis-je, aujourd’hui vous êtes ma sœur.

— Je suis toujours une femme qui vous aime, ajouta-t-elle, en posant ses lèvres sur mon front ; patientez encore quelques jours et vous me retrouverez tout à vous.

— Ô femme irritante et impudiquement mystique, m’écriai-je, tu n’entends rien à l’amour ! Je voulus essayer de la presser sur mon cœur ; mais elle se dégagea, et sans souci du mal qu’elle me faisait elle s’enferma dans sa chambre.

Je travaillai toute la nuit, domptant ma tristesse et mes désirs.


xv


Les jours suivants s’écoulèrent sans trouble et sans événement ; je voyais à peine Antonia, et je mettais mon orgueil à lui paraître riant et dégagé. Je passai mon temps à errer dans Venise. Chaque matin je partais avant ou après déjeuner, suivant l’heure où je m’éveillais. Tantôt je visitais un monument, tantôt je me