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j’aperçus sur les feuilles éparses une large enveloppe qui portait le sceau du consulat ; le cachet en était brisé, et je ne m’en étonnai pas en lisant sur l’adresse : Très-pressée. Antonia avait pu penser que c’étaient des lettres de France qui nous arrivaient. Je trouvai dans cette enveloppe le billet suivant du consul :

« Cette folle de Zéphira, qui ne sait pas votre adresse, m’envoie coup sur coup deux lettres pour vous, je n’aurais point consenti à servir d’intermédiaire à sa correspondance si elle ne m’assurait qu’il s’agit d’une bonne action que vous devez faire ensemble. »

Je lus avec humeur les deux billets de la danseuse qui n’avaient point été ouverts ; dans le premier, daté du matin, elle me disait :

« Cette petite coureuse est moins laide que vous ne le prétendiez, et je vous soupçonne de la protéger con amore ; n’importe, je tiendrai ma parole puisque vous m’aimez, carissimo. Venez vite chez moi, où je suis seule sous prétexte de faire la sieste ; il faut que nous baptisions ensemble d’un nom chrétien cette petite moricaude. »

Le second billet, écrit il n’y avait pas deux heures, renfermait ces mots :

« Si vous ne venez pas ce soir même vous promener dans ma gondole, je renvoie votre ragazza danser sur la place Saint-Marc et sur la Piazzetta ; je veux bien être complaisante pour vous, mais il ne faut pas que vous soyez un ingrat. »