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sont si ennuyeuses et à mon avis si immorales, c’est qu’à propos d’amour elles parlent de Dieu ou de maternité, et obscurcissent par des idées tout à fait à part cette belle flamme de la jeunesse qui ne réchauffe plus aucun cœur et ne colore plus aucun récit. Depuis la Julie de Rousseau et l’Elvire de Lamartine, toutes les femmes ont plus ou moins prêché à propos d’amour tantôt la philosophie, tantôt la religion, tantôt le socialisme ; si bien que l’amour s’est trouvé étouffé par ces aspirations sublimes ou prétentieuses qui ne sont guère de sa compétence qu’accidentellement.

— Pour que je vous comprenne mieux, répondis-je, faites-moi donc, marquise, une définition de ce que vous entendez par l’amour.

— Définir l’amour ! y pensez-vous ? Si je l’essayais, je tomberais dans le ridicule de celles que je critique. Je ne définirai donc pas l’amour ; mais je l’ai senti par le cœur, par l’esprit et par les sens d’une façon très-complète, et je vous assure qu’il ne ressemble guère aux descriptions qu’on en écrit et aux aveux hypocrites de bien des femmes ; très-peu osent être franches sur ce sujet ; elles craindraient de passer pour impudiques, et je crois, pardonnez-moi mon orgueil, qu’il n’appartient qu’aux plus honnêtes de dire en cette question la vérité : L’amour n’est pas une déchéance, l’amour n’est pas un remords et un deuil ; il peut amener tout cela, par l’angoisse d’une rupture, mais au moment où il est ressenti et partagé, il est l’épanouissement de l’être, la joie et la moralisation du cœur.