Page:Colet - Lui, 1880.djvu/176

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 155 —

Nous logeâmes dans un des plus beaux hôtels.

Après avoir fait une toilette élégante et dîné de grand appétit, je dis à Antonia que sa voiture l’attendait. J’avais fait louer une berline, antique et solennel équipage, où nous nous assîmes fort à l’aise ; les domestiques de l’auberge, en nous voyant partir, firent l’éloge de la bonne mine des giovani sposi francesi.

Nous nous fîmes conduire à la promenade de l’Acquazola. C’était à la fin de septembre ; mais la soirée était plus chaude que les soirées d’août de Paris.

L’Acquazola est une esplanade charmante d’où l’œil embrasse une échancrure de la mer, les montagnes, les vallées, toute une campagne riante, embaumée et couverte de fleurs, de maisons blanches, vertes et rouges, à balcons, à jalousies et à façades peintes à fresques. C’est dans ce cadre, parmi les arbustes, les plantes odorantes et le long des allées ombreuses, que les femmes de Gênes se montrent, par les soirs d’été, dans une toilette vraiment fantastique. La mode parisienne s’est tyranniquement imposée au monde entier : elle a envahi la Turquie, la Perse, et gagne déjà la Chine. À Gênes, elle domine pendant l’hiver ; mais sitôt que les beaux jours arrivent, les femmes rejettent le mantelet et le chapeau parisiens ; elles le remplacent par le pezzotto. Le pezzotto est une longue écharpe de mousseline blanche, empesée et transparente. Sous ce voile, la femme génoise, naturellement belle, paraît plus belle encore. Le pezzotto permet aux coiffures toutes les bizarreries et toutes les fantaisies imaginables : ce sont