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que nous partions ensemble pour l’Italie, il se récria comme les autres.

— Vous n’avez pu, me dit-il, vivre tranquilles plus d’une semaine à Fontainebleau, que sera-ce donc pendant un long voyage, où les haltes dans les auberges, la fatigue de la route, les paysages, les monuments, les tableaux, la beauté des femmes italiennes, tout sera sujet de conteste entre vos deux âmes d’artistes ? Du reste, ajouta Albert Nattier, avec une naïveté qui me fit rire, nous courons risque de nous rencontrer en Italie, car dans huit jours je pars aussi pour Naples en compagnie d’une femme que j’aime un peu plus qu’aucune de celles que j’aie rencontrées jusqu’ici, sans pour cela me flatter d’avoir une grande passion pour elle.

— Eh ! répliquai-je ironiquement, avec cette femme la perspective de l’ennui et des tracasseries d’un long tête-à-tête ne t’épouvante pas ?

— Non, reprit-il, car c’est une cantatrice habituée à de pareilles aventures et que je puis quitter au premier relai si elle ne m’amuse point.

— Et moi ? repartis-je…

— Mais toi, tu peux en effet, si cela te convient, en faire autant avec Antonia.

À cette supposition d’Albert Nattier mes joues s’empourprèrent et mon cœur battit à rompre ma poitrine, j’aurais volontiers cherché querelle à mon ami pour cette idée injurieuse que je pourrais traiter de la sorte Antonia ; quant à l’hypothèse d’une rupture elle me bouleversait tellement que je fus près de m’évanouir.