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Xii


Quand j’annonçai ce voyage à ma famille et à mes amis, je rencontrai une opposition très-vive ; ma famille s’en affligea et mes amis me raillèrent de l’empire absolu qu’Antonia, disaient-ils, prenait sur moi. Rien de funeste à une liaison sérieuse d’amour comme les compagnons des amours faciles ; ils analysent la femme aimée, la jugent impitoyablement, lui en veulent des heures où elles nous dérobent à leur camaraderie, cherchent à nous prouver qu’elle n’est ni plus belle ni meilleure que des femmes bien moins exigeantes qu’elle, et qu’il est absurde de devenir invisible et d’oublier ses amis pour un amour qui tôt ou tard doit finir. Si alors pour leur prouver que notre maîtresse est supérieure à toutes les femmes, et que bien loin de nous éloigner d’eux elle s’empressera de les traiter en frères ; si, dis-je, nous les admettons dans notre intimité, nous courons inévitablement deux périls : ou bien nos amis chercheront à plaire à celle que nous aimons, ou bien ils tenteront de nous détacher d’elle en nous parlant légèrement de sa beauté et de son esprit et en amoindrissant l’idole par leur indifférence même.

J’avais à peine revu une ou deux fois Albert Nattier depuis ma liaison avec Antonia ; quand je lui appris