yeux fort expressifs. Elle portait la plupart du temps, assez disgracieusement, disait-on, des habits d’homme ou des costumes fantasques. Le jour où je la vis pour la première fois, elle était en toilette de femme un peu à la turque, car sur sa robe flottait une veste brodée d’or. Sa taille mignonne se jouait sous ce vêtement large et avait des ondulations pleines de grâce : sa main, dont la beauté parfaite vous a frappée, s’échappait blanche et effilée du cercle d’or d’un bracelet égyptien ; elle me la tendit quand je m’approchai d’elle, et je la pressai un moment avec surprise, tant elle me parut petite. Je n’analysai point son visage ; il avait alors un doux velouté de jeunesse, l’éclat de ses yeux magnifiques et l’ombre de ses épais cheveux noirs lui donnaient quelque chose de si pénétrant et de si inspiré, que j’en eus le sang et l’âme bouleversés. Elle parlait peu et juste ; son front et son regard semblaient renfermer l’infini.
Elle parut heureuse de mon attention, et se mit à causer à part avec moi ; elle n’aimait pas beaucoup, me dit-elle, mes vers légers et satiriques, mais elle augurait de mon talent de très-grandes choses. Ses premières paroles furent des conseils ; elle se plut toujours à prêcher un peu ; c’était la pente naturelle de son esprit qui finit par en contracter quelque lourdeur. Ce qui la charmait en moi, ajouta-t-elle, c’étaient mes manières polies d’homme bien né.
Elle vivait entourée à cette époque de quelques amis dont l’un, assurait-on, était un peu son amant ; tous