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tion ; je ne suis plus même le lui d’autrefois qui sût aimer et se dévouer ; mais je ne suis pas non plus l’être dégradé et mauvais qu’on vous a dépeint, car maintenant je l’ai compris, vous m’aimeriez si l’on ne m’avait calomnié près de vous : vos combats, vos larmes, votre éclair d’amour de tantôt, tout m’atteste que vous m’aimeriez si vous ne doutiez point de moi ! Eh bien ! marquise, vous m’aimerez quand vous m’aurez entendu.

Il me supplia de le laisser monter, il voulait me raconter le soir même sa douloureuse histoire.

— Mais ne voyez-vous pas, m’écriai-je, qu’un autre…

— Chut ! chut ! fit-il en m’interrompant, ne dites rien d’irrévocable avant de m’avoir écouté. À demain donc, puisque vous êtes sans pitié.

J’entendis du seuil de la porte la voiture qui l’emmenait. Je me reprochai ma dureté ; j’étais mécontente de moi-même et irritée contre Léonce ; en ce moment Albert me paraissait le meilleur de nous trois.

Une lettre de Léonce que je trouvai en rentrant sur ma table changea le cours de mes pensées ; il allait, me disait-il, hâter son arrivée ; avant quinze jours il serait près de moi. Oh ! c’était bien lui, lui seul que j’aimais ! et toute la nuit il m’apparut en songe dans sa beauté, sa jeunesse et sa force.