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t-il pas auprès de moi l’inspiration et la cherche-t-il dans une solitude cruelle qui nous sépare ?

Il continua :

— Oh ! chère, chère Stéphanie ! (c’était la première fois qu’il m’appelait par mon nom) si à défaut de l’amour vrai et complet que je voulais dans ma jeunesse, j’ai cherché l’à peu près de l’amour parmi les femmes du monde, et son simulacre désespéré auprès des belles courtisanes, ce qu’on nomme mon inconstance et mon immoralité pourraient bien être, croyez-moi, l’incessante et douloureuse poursuite de l’amour ! Avec une femme telle que vous, je redeviendrais moi-même ; heureux, confiant et fier ; cet abrutissement de l’ivresse qu’on me reproche et dont j’ai honte parfois, c’est l’aveuglement nécessaire pour me jeter dans les bras de certaines femmes ; une fois ébloui, je les transforme et je ne rougis plus d’elles ni de moi. Croyez-vous que de sang-froid je pourrais toucher à cette chair sans âme ! Voyons Stéphanie, aimez-moi un peu et laissez-moi pleurer sur votre cœur et redevenir jeune !

— Oh ! c’est moi qui pleure, lui dis-je, en repoussant ses bras qui voulaient m’étreindre.

En ce moment, la voiture qui remontait les Champs-Élysées était éclairée par la lune ; il vit mon visage couvert de larmes.

— Mon Dieu ! qu’avez-vous ? me dit-il, en courbant sa tête vers la mienne. Ses cheveux effleurèrent mes tempes.