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ques minutes nous fûmes introduits dans une ancienne salle d’armes où une vaste table somptueuse était dressée. Le souper fut gai à nous faire croire à une éternelle jeunesse ; nos voix bruyantes ébranlèrent jusqu’à l’aube les murs du vieux château.

Tandis qu’Albert parlait, je me demandais si réellement il avait assisté à cette chasse nocturne ou si c’était une vision de son esprit ; ce doute m’est toujours resté : mais qu’importe que ce fût là un souvenir ou un rêve, je l’écoutais charmée, tandis que la voiture nous ramenait rapidement vers Paris.

L’enfant dormait devant nous d’un calme sommeil et Albert semblait emprunter à cette pureté et à la douceur de la nuit un apaisement complet. Plus de mots amers, plus de soubresauts de passion ; on eût dit que l’âme du poëte flottait sereine à travers la nature tranquille.

Quand nous arrivâmes à ma porte, Albert baisa mon front en murmurant : À demain.

Comment lui dire : Ne venez pas ? Comment renoncer à l’espérance de relever ce génie et de le voir planer encore !

IX

J’avais connu Albert de Lincel à la fin de l’hiver, le printemps était venu vite avec de beaux jours à son début, comme il arrive souvent à Paris.