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Quand l’avez-vous vue ? Que vous a-t-elle dit ? contez-moi donc ce que vous savez d’elle, poursuivit-il avec une ardente curiosité. Je vous en parlerai moi-même quelque jour.

— Je la rencontrai pour la première fois, deux ans après la soirée où je vous vis à l’Arsenal : son nom qui, depuis 1830, remplissait les journaux, m’était arrivé flamboyant et sonore, au loin dans le château de ma mère, où je vivais avant mon mariage. Vous ne sauriez croire combien on se passionnait en province, à propos de cette renommée retentissante. À chaque ouvrage nouveau que publiait Antonia Back, c’était autour de moi une polémique irritée qui dégénérait parfois en querelle. Le plus grand nombre disait un mal affreux de l’auteur, mais quelques esprits éclairés, et de ce nombre ma mère, intelligence supérieure, tolérante, philosophique, admirait Antonia et la défendait comme on défend ce qu’on aime. Cette sympathie de ma mère avait passé en moi, et je fus très-impatiente de voir Antonia quand mon mariage me fixa à Paris.

Vous avez peut-être connu le baron Alibert, le railleur et sceptique médecin de Louis xviii, qui m’a conté sur le vieux roi une foule de piquantes anecdotes dont je vous amuserai un jour ? Je rencontrais souvent chez lui une vieille marquise du faubourg Saint-Germain, dont la beauté avait été célèbre et qui au grand scandale des siens, avait épousé un fort bel Italien, son dernier amour ; elle lui avait fait obtenir un titre, puis un emploi dans la diplomatie.