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fine raillerie. Sitôt qu’elle daignait parler, elle captivait tous les esprits ; les plus simples, les moins cultivés l’écoutaient naïvement. Les prétentieux, comme le fabricant de Mulhouse, disaient :

— C’est une fière femme ! il n’y a rien à lui apprendre ; quel dommage qu’elle soit si émancipée en politique et en religion et qu’elle reçoive ici la visite d’actrices de Paris !

— Quelle horreur ! s’écriait la petite marquise Aglaé, jamais je ne parlerai à cette femme ; elle fait bien de ne pas venir le soir au salon.

— Elle fait très-mal, répliquait le magistrat de Pau, car sa conversation universelle nous distrairait.

— Ceci n’est pas galant pour moi et pour madame Routier, reprenait en minaudant la petite marquise ; et vous, monsieur, qu’en pensez-vous ? ajoutait-elle en se tournant vers l’Italien mourant qui, le soir, restait quelquefois au salon à demi-étendu sur un canapé.

— Moi, madame, rien ne peut me distraire.

Et, en effet, les premiers jours il resta muet et indifférent à toutes les coquetteries d’Aglaé, mais insensiblement il y trouva une sorte de distraction qui étourdissait une heure sa souffrance corrosive. La désœuvrée marquise s’ingéniait pour ranimer ce beau spectre. Chaque jour c’étaient des toilettes