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lâtre, ignorant, plein de morgue et de préjugés, oisif, emporté et têtu comme un enfant volontaire, c’était un cœur sec, aveugle, qui n’avait jamais été éclairé par les lumières de l’esprit. À vingt ans il prit la fougue du sang pour de la force ; à trente ans, se sentant énervé et blasé, il s’imagina avoir acquis de la dignité. À vingt-sept ans, pour grossir les très-faibles revenus du domaine de Serrebrillant qui ne rapportait au père et au fils que 6,000 fr. par an, il avait épousé pour sa dot de 200,000 fr. une jeune fille de la bourgeoisie, élevée au Sacré-Cœur, et que le titre de marquise enivra. Il l’avait emmenée à la campagne où il vivait, chassant, courtisant les servantes et les jeunes paysannes, et voisinant avec les autres nobles du département. La jeune marquise Aglaé essaya de se distraire tant bien que mal, dans les petites fêtes qu’on lui donnait de château en château, et l’hiver, chez quelques familles aristocratiques d’Amiens ; puis c’était, durant trois mois de l’année, soit un séjour à Paris, soit un séjour aux eaux. Les revenus des Serrebrillant étaient si limités et leur vanité était si grande, qu’ils devaient pondérer avec art leurs dépenses pour faire bonne figure.

Je ne sus que plus tard ces détails, mais je les aurais devinés en partie à l’examen que je fis dès le premier jour du mari et de la femme.