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livre dans ma chemise ; je tremblais, j’avais peur ; je compris que je venais de commettre un vol.

[Illustration : Cela vaut un écu, c’est à prendre ou à laisser.]

J’aurais voulu rappeler le marchand ; mais il n’était plus temps. Que faire ? mon père pouvait rentrer d’un moment à l’autre, et je sentais déjà sa colère tomber sur moi comme le tonnerre. Si encore ma mère avait été là, elle aurait pu me protéger, mais en son absence, je me voyais perdu. Dans ma terreur, je poussai la porte de la boutique, je me mis à monter en courant jusqu’au haut de la maison, et je me barricadai dans le petit grenier où je couchais ; je m’assis sur mon lit, et, n’entendant venir aucun bruit, j’eus la curiosité de regarder dans mon livre ; je le tirai de ma chemise et je commençai à lire la belle passion du Christ ; je ne comprenais qu’à moitié les mots latins, et je faisais un effort si grand d’esprit pour les comprendre entièrement, que peu à peu j’oubliai ma mauvaise action, la colère de mon père, le châtiment qui m’attendait, j’oubliais tout, excepté mon livre.

» Mais tout à coup des cris, des voix montèrent de la boutique ; je compris que mon père était rentré et s’emportait contre moi ; je devinai que ma mère cherchait à le calmer sans y réussir. Oh ! j’aurais voulu en ce moment être une souris et qu’un chat me mangeât. Je cachai le livre dans ma paillasse et je me cachai sous mon lit. Bientôt j’entendis monter, je crus que c’était mon père, et je sentais déjà une grêle de coups. Je me rassurai pourtant un peu, je crus ouïr des pas plus légers qui m’annonçaient ma mère ou une de mes sœurs.

» On frappa : » C’est moi, c’est Jeanne ; ouvre vite, me dit ma sœur aînée. J’ouvris mais je refermai aussitôt qu’elle fut entrée.