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couleurs sont belles ! Ce sont celles du ciel, de la terre, des roches et des bois. Mais qui nous apprendra le moyen de les préparer et de les étendre ?

BUONAVITA, tirant une palette de la caisse. D’abord il faut les disposer sur cette petite planche, après les avoir fondues avec un peu d’huile que vous prendrez dans cette fiole ; puis vous les appliquerez sur votre dessin avec un pinceau.

FILIPPO, avec enthousiasme. Et comment savez-vous cela, Buonavita ? Qui vous a révélé ce mystère ? Êtes-vous donc sorcier ?

BUONAVITA. Je ne suis pas plus sorcier que savant, mais j’ai eu le bonheur de voir travailler le plus grand peintre de l’Italie.

FILIPPO. Le plus grand peintre de l’Italie ?

BUONAVITA. Oui, Masaccio ! celui qui a retracé les tourments des damnés dans l’église des Carmes, à Florence.

FILIPPO. Et vous avez vu cet homme, ce peintre, qui est aussi célèbre qu’un prince ?

BUONAVITA. Je l’ai vu, et je vais vous conter comment.

FILIPPO. Tout en vous écoutant j’essayerai ces couleurs. Les voilà préparées comme vous me l’avez dit. (Il se met à peindre.) Parlez, Buonavita, parlez-moi de ce grand Masaccio.

BUONAVITA. Il faut vous dire que mon oncle, trouvant que notre métier allait mal sur les grandes routes, s’était mis en tête, l’an passé, d’aller enlever le trésor du couvent des Carmes. Il avait une vieille haine contre les bons frères, qui, disait-il, l’avaient chassé de leur école pour