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que je battrai plus tard nos ennemis. Mais j’ai bien faim ! laissez-moi me mettre à table.

LA COMTESSE. Non, sortez d’ici.

BERTRAND. Moi, l’aîné, je serai chassé de votre table et les cadets y resteront ? non, par Dieu !

RACHEL. Oh ! madame, un peu de bonté pour lui, cet enfant est destiné…

LA COMTESSE. Oui… à faire le malheur de sa mère.

RACHEL, rêvant. Qui sait ?

BERTRAND. N’est-ce pas, nourrice, que je serai un preux ?

RACHEL. Donne-moi ta main.

LA COMTESSE. Je crois que vous êtes folle, nourrice.

RACHEL. Oh ! madame, cette petite main est un grand livre où je lis bien des choses.

LA COMTESSE. Et qu’y lisez-vous ?

RACHEL. Laissez-moi me recueillir. (Elle tient la main de Bertrand et l’examine attentivement.) Voyez, madame, ces lignes sont belles ! voilà le courage, la force, l’héroïsme, le désintéressement. Il illustrera sa famille et sa patrie. Je vois Bertrand se montrer dans les tournois, je le vois vaincre les chevaliers. Bertrand grandira, Bertrand deviendra l’ami de son roi ; il sera fait connétable. Sa vie sera une longue suite de prouesses ; il y a d’autres choses encore… mais il sera brave surtout.

BERTRAND. Oh ! oui, je serai brave, je le jure par tous les saints.

LA COMTESSE. Tu es folle, nourrice ; par tes sottes flatteries, tu le rends plus indocile. Allons, emmenez-le.

BERTRAND. Ma mère ! ma mère ! laissez-moi m’asseoir à votre table, à la place qui m’est due.