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il se coucha tout transi et accablé de tristesse, et quand il voulut étendre ses pauvres membres sur son grabat, il sentit revenir plus aigu et plus poignant le rhumatisme dont il souffrait depuis tant d’années. Il passa la nuit dans une grande détresse, et lorsqu’il voulut se lever le lendemain, cela lui fut impossible : il était cloué dans son lit comme un paralytique ; il entendit quelques pratiques heurter à sa porte sans pouvoir aller leur ouvrir ; bientôt il entendit retentir sur sa toiture le petit caillou qui était le bonjour de son fils, et il ne put lui répondre par le chant convenu. Trois fois l’enfant recommença son signal, et toujours l’échoppe resta muette, car le pauvre homme avait la langue à moitié liée et ne pouvait plus articuler que de faibles paroles.

Mais revenons au petit Joachim : il s’était endormi la veille au soir consolé et tout joyeux de la perspective des études qu’il allait commencer le lendemain ; le bon recteur, M. Toppert, lui avait fait visiter la belle bibliothèque du collége et lui avait montré de belles gravures qui rendaient bien mieux que les dessins qu’il avait d’abord admirés, les magnifiques statues de l’antiquité. Son maître lui avait permis de venir lire et étudier dans la bibliothèque, et de donner à ses instincts du beau tout leur développement. Il se sentit comme enivré en face de ce monde de la science dont il venait de franchir le seuil. Mais, quand il eut lancé sur le toit de son père le petit caillou convenu, et que la voix du vieillard ne s’éleva pas pour lui répondre, il sentit tout à coup le pressentiment de quelque malheur ; il fit part de ses craintes au bon portier, et celui-ci lui promit d’aller s’informer du savetier. Bientôt après, il frappait à la porte de l’échoppe,