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jour à lui procurer quelque petite surprise qui fît pétiller ses yeux d’enfant ; tantôt c’était une friandise qu’il ajoutait au souper frugal, comme aurait fait une mère ; tantôt un livre qu’il achetait à quelque colporteur, se privant deux ou trois jours de fumer sa pipe (cette compagne si chère à un Allemand) pour donner cette satisfaction à son cher petit Joachim.

Depuis le soir où l’enfant avait souhaité des images au livre d’Homère, le bon savetier ne rêvait plus qu’à satisfaire son désir. Mais où trouver un Jupiter, une Junon et surtout une Vénus ? Il n’y avait pas de musée à Steindall et jamais le vieillard n’avait aperçu l’image de la plus belle des déesses.

Un matin qu’il allait reporter au collége les souliers raccommodés de quelques écoliers, le portier le fit attendre dans une espèce de parloir tandis qu’il allait lui chercher le prix de son travail et d’autres chaussures à réparer. Le savetier regardait attentivement les murs de cette pièce ornée de petits cadres qui renfermaient les dessins des enfants ; c’étaient quelques académies, des dieux et des héros grecs, et parmi eux deux Vénus : la Vénus de Médicis et la Vénus accroupie ; en voyant ce nom de Vénus écrit au bas des deux cadres où se trouvait la belle déesse, le vieillard courbé par l’âge et la souffrance se redressa de plaisir. Le portier le trouva en extase devant ces dessins fort médiocres de deux marbres de l’antiquité.

» Que regardez-vous donc là, mon vieux, lui dit-il très-étonné, est-ce que ces deux belles femmes vous plaisent ?

— Oh ! oui, et je consens à vous laisser l’argent que vous alliez me remettre, si vous me permettez de les emporter.