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avec ses yeux perçants surmontés de sourcils noirs. Veuf et malheureux depuis plusieurs années, le pauvre homme ne souriait jamais, excepté le soir quand son fils revenait de l’école et l’embrassait en passant ses deux bras autour de son cou. Alors l’échoppe était en fête, le savetier quittait ses outils et son tablier de cuir ; il lavait ses mains dans une jatte d’eau, ravivait le feu du poêle et se mettait à préparer le repas du soir comme une ménagère ; des volets de bois mal joints étaient à l’intérieur poussés contre le vitrage ; le père et l’enfant se sentaient chez eux, et tout en soupant ils se racontaient leur journée ; l’enfant, délicat mais charmant, au visage expressif, à la chevelure blonde, disait à son père comment il apprenait chaque jour quelque chose de nouveau, et comment ses maîtres, enchantés de ses progrès, parlaient de le faire entrer au collége comme un écolier modèle. Le père, radieux, embrassait alors l’enfant, le regardait avec orgueil presque comme on regarde quelque chose de supérieur à soi, et s’écriait attendri ;

» Oh ! mon bon Joachim, que ne suis-je riche, je ferais de toi un homme savant et heureux !

— Je veux commencer par être savant, répliquait le petit Joachim, puis nous serons heureux après. »

Et, tout en parlant ainsi, il aidait son père à faire le ménage et demandait au pauvre bonhomme qui il avait vu et ce qu’il avait fait dans la journée. Le souper fini, le père reprenait son ouvrage et l’enfant lui faisait la lecture des livres qu’il recevait en prix à l’école. Le père l’engageait à lire parfois dans sa vieille Bible, c’était la Bible de son mariage et que sa femme en mourant avait