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fut nommé membre de toutes les académies de l’Italie, et celles de l’Allemagne et de Londres l’admirent dans leur sein.

Ses compatriotes, fiers de sa renommée, le prièrent de revenir en Allemagne ; le grand Frédéric voulut se l’attacher. Winckelmann résista à toutes ces instances ; l’Italie avec sa lumière, son ciel et ses montagnes dorées, étant désormais sa mère adoptive, il n’eût consenti à la quitter pour toujours que si la Grèce l’eût appelé. Cependant il promit à ses amis d’aller les revoir ; il s’éloigna de Rome avec une grande tristesse et comme envahi par le pressentiment que ce voyage en Allemagne lui serait funeste. À mesure qu’il s’approchait des Alpes et des gorges du Tyrol, sa tristesse augmentait ; les honneurs qu’il reçut à Munich, à Vienne et dans toutes les cours de l’Allemagne ne purent lui rendre la gaieté ; il avait perdu son soleil et ses dieux. Le premier ministre d’Autriche mit tout en œuvre pour l’attacher à sa cour ; ses amis insistèrent, mais, dit l’un d’entre eux, nous remarquâmes qu’il avait les yeux d’un mort, et nous ne voulûmes pas le tourmenter davantage. La vie pour lui, c’était la lumière et l’art qui, de la Grèce, s’étaient réfugiés en Italie ; la mort, c’était la froide et didactique Allemagne. Enfin, il en partit accablé des honneurs et des présents que les souverains lui avaient prodigués ; il reprit la route de sa patrie adoptive ; on ne sait quel motif le détermina à passer par Trieste pour s’y embarquer pour Ancône. Il rencontra en chemin un misérable, nommé François Archangeli, déjà repris de justice, et qui parvint à s’insinuer dans la confiance de Winckelmann, qui lui montra les magnifiques médailles d’or qu’il avait reçues des princes de l’Allemagne. Arrivé à Trieste, Archangeli se logea dans la même hôtellerie que Winckelmann. Un jour que celui-ci lisait Homère, il vit entrer dans sa chambre son compagnon de route qui le pria de lui laisser admirer