leurs membres décharnés se tordaient, et parfois les accords aigus et déchirants du Miserere semblaient les gémissements échappés de la poitrine des spectres éperdus.
L’œuvre de Michel-Ange apparaissait en ce moment si terrible, et pour ainsi dire si vivante, que presque tous les assistants et surtout les étrangers tournaient vers elle leurs regards avec une admiration empreinte de terreur. Un enfant seul, de douze à quatorze ans, à la taille élancée, à la figure intelligente, et dont le front haut et les grands yeux d’un bleu clair étincelaient sous sa chevelure poudrée, paraissait ne prêter aucune attention à la fresque si merveilleusement éclairée. La tête levée, et presque renversée en arrière, les yeux en extase, la bouche souriante et entr’ouverte comme pour goûter les sons qui montaient, les oreilles dressées ainsi que celles d’un chien de chasse écoutant au loin les pas du cerf qui approche, tout dans cet enfant exprimait l’attention la plus vive et la plus excitée. On devinait qu’il était en proie à une profonde émotion, et qu’il s’efforçait d’en fixer l’empreinte ineffaçable dans son âme. Placé à côté de l’ambassadeur d’Autriche, l’enfant qui écoutait ainsi restait immobile, et il semblait comme pétrifié dans sa culotte de soie blanche collante, dans son habit vert à boutons d’argent et à basques doublées de satin, et sous son jabot de dentelle qui ne frissonnait pas même sur sa poitrine bombée ; mais lorsque la dernière note du Miserere d’Allegri expira, l’enfant sortit de son immobilité d’automate, il se fit comme à lui-même un signe d’assentiment, et il quitta l’église en donnant le bras à l’un des secrétaires de l’ambassadeur d’Autriche. S’il avait été immobile tout à l’heure, il était maintenant muet,