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quand il arriva auprès du lit du pauvre Charles, celui-ci avait une grosse fièvre et était pris d’un peu de délire. Le docteur ne voulut pas l’éveiller de son sommeil pénible et se mit à étudier en silence les symptômes de la maladie ; il découvrit une grande surexcitation de cerveau, et il se confirma dans son observation en voyant sur la petite table de l’apprenti ses herbiers et ses manuscrits ouverts ; il lut quelques pages de ceux-ci, puis tomba tout à coup dans une longue rêverie tout en tenant le pouls du malade, qui battait très-fort.

Charles continuait à dormir, mais d’un sommeil pénible et bruyant et comme si quelque cauchemar l’avait oppressé. Il faisait pourtant un beau rêve, plus glorieux peut-être que celui qu’il avait fait une nuit sous le toit de son père, mais il n’en éprouvait pas le même contentement : ce songe lui semblait une dérision de la destinée présente ; on raisonne parfois dans les rêves : il se voyait entouré de quatre hommes tout-puissants qui tenaient des sceptres et qui avaient des couronnes sur la tête ; à ces couronnes, à leurs armes et aux décorations qu’ils portaient, il reconnaissait dans ces hommes le roi de Suède, le roi de France, le roi d’Angleterre et le roi d’Espagne[9]. Tous quatre lui souriaient, répandaient à ses pieds des trésors et déposaient sur sa tête la couronne de la noblesse. Lui, ébloui, se débattait contre le vertige, et de là venait l’agitation de son sommeil.

[Note 9 : Ces quatre souverains comblèrent Linné d’honneurs.]

[Illustration : Vous serez un jour le premier naturaliste du monde]

Le bon docteur, plein d’anxiété, suivait toutes les phases de ce sommeil tourmenté, enfin il fit boire un calmant