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il se dit, pris d’une sorte de vertige : » Jamais, jamais je ne pourrai fixer dans ma mémoire cette innombrable variété d’espèces, les classer et leur donner un nom ! » Dans son découragement, il s’arrêta immobile et priant dans son âme : » Mon Dieu ! mon Dieu, disait-il, la nature est trop grande pour la faible vue de l’homme, et s’il parvenait à en saisir l’ensemble, sa profondeur et ses détails lui échapperaient. Vous avez fait, ô mon Dieu, la création à votre image, et nous, pauvres et chétifs, nous voulons en mesurer la grandeur et en décrire la beauté, c’est impossible ! Nous ne connaissons jamais que des fragments de votre œuvre, le reste nous échappe ; pardonnez-moi donc mon audace, ô mon Dieu ! Mon père a raison, je dois vous adorer et vous servir comme un ministre obscur, et non prétendre à vous pénétrer et à expliquer vos ouvrages comme un savant participant de vos facultés divines ; » et le pauvre enfant, écrasé par la splendeur de la nature qui l’entourait, tomba à genoux, adora Dieu et resta longtemps dans l’engourdissement de l’extase.

Mais des voix, qui semblaient être la voix de Dieu même, montèrent tout à coup des calices épanouis et du sein des boutons encore fermés. Ces voix lui disaient : » Viens à nous ! nous sommes à toi, nous t’aimons de nous aimer et de nous rechercher, d’avoir compris que nous vivions et que nous sentions, nous qu’on a si longtemps crues inertes, inanimées et propres à charmer seulement les yeux. Ne crains pas de nous cueillir et de nous détruire, nous renaissons sans douleur ; chacun de nos filaments déchirés te fera découvrir nos mystères à peine soupçonnés jusqu’ici. Tu trouveras dans les détails