Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/290

Cette page n’a pas encore été corrigée

sommeil pour se livrer à ses grands et invincibles instincts.

Un riche marchand anglais fort instruit, qui fréquentait l’imprimerie, s’intéressa au jeune apprenti dont il avait deviné l’intelligence ; il lui ouvrit sa belle bibliothèque, une des plus considérables de Boston ; il fit plus, il dirigea ses lectures, et lui apprit à les classer par ordre dans sa mémoire ; il lui fit lire d’abord la série de tous les historiens anciens et modernes, ajoutant à l’histoire des peuples connus de l’antiquité, l’histoire de la découverte des pays et des peuples nouveaux ; puis les chroniques et les mémoires qui prêtent aux faits généraux, les détails et la vie ; il lui fit lire aussi tous les ouvrages les plus célèbres de religion, de morale, de science, de politique et de philosophie ; enfin, les grands poëtes, qui sont comme le couronnement radieux de ce merveilleux édifice de l’esprit humain construit patiemment de siècle en siècle par toutes les intelligences élues de tous les pays. Dans les grands poëtes, il trouvait l’essence et comme la condensation de tous les génies. Homère et Shakspeare résument en eux tous les savoirs et toutes les inspirations.

La poésie le passionna et lui donna le vertige ; dès son enfance, il avait fait des vers incorrects et sans règle ; il voulut en écrire de châtiés et d’irréprochables, suivant les préceptes que Pope venait de traduire d’Horace et de Boileau. Mais en poésie, la volonté ne suffit pas ; il faut avoir été touché du feu sacré.

Benjamin ne discernait pas encore sa véritable vocation ; comme il était ému en face de la nature, il se crut poëte ; il n’improvisait plus ses vers comme autrefois sur