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sous le feuillage naissant, et semblaient souhaiter la bienvenue aux invités. Pas un des anciens compagnons d’école du petit Alexandre n’avait manqué à l’appel. Il y avait là plusieurs lords et plusieurs écrivains célèbres de l’époque, de belles ladies et de jolies misses. Toute la compagnie commença par prendre le lunch, car en Angleterre, bien manger est un plaisir qu’on ne dédaigne pas ; nous aurions pu ajouter bien boire, mais nous ne voulions pas faire d’épigramme. De la salle à manger toute la compagnie passa au salon boisé qui servait de salle de spectacle ; dans le fond était une estrade qui simulait la scène, et devant laquelle tombait un rideau de tapisserie de Beauvais. Ce rideau s’ouvrit aux sons de la musique, et l’on aperçut Ajax sous sa tente. Celui qui représentait le héros grec parut bien un peu petit et délicat, mais à peine eut-il parlé qu’on n’entendit plus que sa voix. Les vers qu’il récitait étaient un écho de la grandeur et de l’héroïsme d’Homère ; c’était quelque chose de nouveau dans la poésie anglaise ; l’oreille en était charmée et l’âme saisie.

[Illustration : Elle se préoccupa avec un soin plein d’anxiété du costume d’Ajax.]

Les personnes les plus considérables de l’assistance donnèrent le signal des applaudissements ; les anciens compagnons du petit Alexandre battirent des mains à leur tour. Ce fut un véritable triomphe.

À la fin de la pièce on redemanda l’auteur et l’acteur, il se fit un peu attendre ; mais les cris redoublèrent. Enfin il reparut dépouillé de son costume et de ses cothurnes élevés ; sa tête était expressive et belle, mais son corps grêle laissait apercevoir sa difformité ; il se tourna vers le groupe de ses compagnons :

» Hélas ! murmura-t-il, je suis toujours le petit bossu !