l’atteint on n’en jouit qu’à moitié, tant le cœur est plein de lassitude. L’artiste et le poëte qui ont rêvé le triomphe dans la retraite, ne trouvent jamais la réalisation du rêve aussi belle que le rêve même, et parfois pris de tristesse et de découragement, ils voudraient retourner à la solitude et à la nature. C’est ainsi que notre jeune musicien en arrivait souvent à regretter sa vie tranquille de Clermont et ses belles promenades de Royat ; alors il fuyait le monde, il errait dans la campagne autour de Paris, ou le soir dans ses rues désertes.
Une nuit il se promenait à grands pas dans la rue des Minimes ; il regardait les étoiles et sentait venir l’inspiration, quand tout à coup une voix fraîche et vibrante, et qui paraissait partir d’un magnifique hôtel du voisinage, fit entendre le motif du fameux chœur : Tristes apprêts !… pâles flambeaux ! un des morceaux de notre rêveur le plus applaudi à l’Opéra. Charmé et flatté d’être poursuivi dans la solitude par l’écho de son génie, il s’assit sur un banc vis-à-vis de l’hôtel d’où sortait la voix, et à mesure qu’il savourait sa propre mélodie, il éprouvait un invincible désir de voir la cantatrice qui lui servait d’interprète. Il n’osait frapper à la porte de l’hôtel et interroger les domestiques, sa timidité l’arrêtait, une seule fenêtre donnant sur un balcon était éclairée. C’est là que la voix s’élevait. Entraîné par sa curiosité, au risque de s’écorcher les doigts et d’être pris pour un voleur, il grimpa le long de la façade en s’accrochant aux saillies sculpturales. Parvenu au balcon, il plongea ses regards espérant découvrir la femme qui chantait si bien ; il ne vit rien.
Seulement à l’un des angles du balcon était une cage