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toujours à Fra Nicolo la moitié des fruits qu’on lui donnait, et il s’amusait à remercier les vendangeurs en arabe ou en hébreu, ce qui faisait beaucoup rire ces bonnes gens qui ne le comprenaient pas. D’autres fois, prenant l’avance sur la mule paresseuse, il courait sur la route à perte de vue ; puis, se cachant derrière un platane, il se dérobait aux regards de Fra Nicolo, qui, pour l’atteindre, avait donné de l’éperon à sa pauvre mule. Lorsqu’il avait bien joui de l’embarras de son guide, Pic reparaissait tout à coup, et Fra Nicolo, après une douce réprimande, l’aidait à grimper sur la monture, qui reprenait son petit trot.

Dès qu’ils furent arrivés à Modène, Jean, accompagné de Fra Nicolo, se présenta chez le docteur Lulle ; celui-ci prit la lettre du prieur sans regarder l’enfant qui la lui présentait, et la lecture de cette lettre le disposa d’abord en sa faveur ; mais quand il leva les yeux et qu’il vit cette jeune tête de treize ans, il crut que Fra Rinaldo avait voulu se moquer de lui en lui parlant de Jean comme de l’écolier le plus célèbre de l’Italie ; cependant la lettre était si précise, et le porteur y était si bien recommandé, qu’il se décida à lui adresser quelques questions pour le mettre à l’épreuve. Jean y répondit avec tant de netteté et de profondeur que le docteur en fut tout confondu et l’admit aussitôt au concours ; les candidats devaient soutenir une thèse de théologie en présence des magistrats de la ville et de tous les savants de l’Italie.

Ce jour, si vivement attendu par Jean, arriva ; et, au moment où il entra dans l’amphithéâtre, il sentit une force d’esprit surnaturelle : Dieu semblait avoir doublé son intelligence pour la faire triompher.