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plus sensés se disaient que l’organiste était devenu fou, quelques vieilles dévotes prétendaient que le diable s’était emparé de l’orgue et y faisait son sabbat.

L’évêque cessa d’officier et fit appeler le pauvre organiste, qui se cachait dans le coin le plus noir de l’orgue ; on finit par l’y découvrir et on le traîna de force devant monseigneur.

Le prélat lui demanda avec douceur quelle était la cause du scandale qu’il venait de donner.

Il répondit : » C’est la faute du chapitre qui m’a réduit au désespoir. Depuis six mois je sollicite instamment, mais en vain, de rompre l’engagement qui me lie pour deux ans encore à la cathédrale de Clermont ; ici, monseigneur, je ne puis plus vivre, Paris m’appelle, c’est là que je dois être célèbre, laissez-moi partir ! » Et en parlant ainsi, des larmes coulaient sur son visage blême et amaigri.

Le bon évêque en fut attendri : » Il ne faut pas violenter les cœurs et les esprits, dit-il, que votre vocation s’accomplisse ; ce soir je ferai rompre votre engagement, et demain vous pourrez partir ; je vous donnerai même quelques lettres de recommandation pour des amis que j’ai en cour, et qui vous protégeront.

— Comment reconnaître tant de générosité, disait l’organiste attendri, et, se prosternant, il baisait les mains de l’évêque.

— Prouvez-moi votre reconnaissance en remontant aux orgues, répliqua l’évêque, et en y faisant entendre de ces mélodies divines que vous savez si bien et qui font croire aux fidèles de Clermont à la musique des anges.

[Illustration : On finit par l’y découvrir et on le traîna de force devant Monseigneur]