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qui jouent des airs auvergnats lents et sautillants à la fois, comme ces gigues et ces bourrées qui, depuis des siècles, se sont transmises sans altération aux rustiques générations de l’endroit.

Durant toute la semaine, ces belles salles de bals champêtres restent désertes, et elles offrent aux promeneurs l’abri le plus frais et le plus recueilli. C’était par une chaude journée d’août, un pâle et grand jeune homme était assis sous ces ombres tranquilles. Tout son corps amaigri, courbé au pied d’un arbre, semblait plongé dans la méditation et l’étude, son visage rayonnait pourtant d’une sorte d’inspiration ou peut-être de bien-être que lui causait la beauté de la nature. Il écoutait les modulations des rossignols sous les feuillées, les chants distincts de la cigale et du grillon, et aussi quelque vieil air de la contrée chanté par la voix lointaine d’un berger. Le jeune rêveur prêtait l’oreille à toutes ces harmonies qu’accompagnait comme un orchestre le bruit des eaux qui s’engouffraient à ses pieds, il semblait pour ainsi dire les noter dans son cœur, et bientôt tirant de la poche de son pauvre habit râpé un petit cahier, il y traça quelques signes, puis se mit à rêver de nouveau : tout à coup la cloche voisine de l’église de Royat vint l’arracher à ses songes ; il se leva comme un soldat que la consigne réclame : » Je n’ai plus, se dit il, qu’une demi-heure pour changer d’habit et me rendre à la cathédrale où j’oubliais que monseigneur l’évêque officiait. Oh ! quelle chaîne ! quelle chaîne !… J’étais si bien ici ! encore une heure de ce silence et de cette rêverie, et j’aurais fini d’écrire ma pastorale ! Quinze jours seulement de liberté et toute la musique d’un opéra serait faite, et