ta pensée est noble et grande ; quoique bien jeune encore, je te crois assez savant pour soutenir une thèse devant Lulle, mais comment aller à Modène ? ta famille en est proscrite et elle ne peut y rentrer sous peine de mort : toi-même, pauvre enfant ! malgré ton âge, tu as été compris dans cette horrible proscription. Ce serait un acte de démence d’exposer ta vie pour un vain désir de gloire ! — Oh ! vous ne m’avez pas compris ! s’écria Jean ; ce n’est point un désir de gloire qui m’anime, c’est une pensée meilleure ! » Et alors il raconta à son oncle ce qui le poussait à ce dessein ; le religieux, touché et convaincu par la sagesse de ses paroles, lui promit de le seconder. Il fut résolu qu’on cacherait son voyage à sa famille, et que dès l’aube il partirait, accompagné d’un frère lai, sous prétexte de se rendre à un couvent voisin dont le supérieur désirait le connaître ; mais il prendrait en réalité la route de Modène, où il arriverait sous le simple nom de Jean, comme un jeune clerc recommandé au célèbre Lulle par Fra Rinaldo, lequel avait autrefois connu ce professeur.
Ayant obtenu cette promesse de son oncle, l’enfant tomba à ses genoux et le remercia en pleurant d’avoir consenti à son voyage ; le religieux le bénit ; puis ils se séparèrent. Jean ne put dormir de la nuit : tout ce qu’il aurait à dire au professeur Lulle s’agitait dans son esprit ; la crainte d’un échec le tourmentait, l’espérance d’un succès l’enflammait. Enfin, quand le jour parut, il se leva et courut au monastère chercher son oncle ; Fra Rinaldo vint à lui, et ils allèrent ensemble auprès de sa mère. Rinaldo lui ayant représenté que ce voyage aurait un but d’utilité pour son fils, elle ne s’y opposa pas, mais